Marrons du Périgord-Limousin

LA PRODUCTION DE CHÂTAIGNE EN PÉRIGORD LIMOUSIN, PLUS DE 1500 ANS D’HISTOIRE

grand arbre

Prépondérante dans l’alimentation des hommes, jusque dans la première partie du 19è siècle, la châtaigne fruit du châtaignier, était la principale culture du Périgord et du Limousin. Décimée dans la seconde partie du 19è siècle par la maladie de l’encre mais surtout par l’utilisation de son bois par les industries en extrayant le tanin, la châtaigneraie perd à cette période 86% de ces surfaces. La diversification de l’alimentation des hommes, et l’exode rurale ne permettront jamais à cette culture de retrouver la place qu’elle avait autrefois malgré les nombreuses tentatives au cours du 20è siècle de relancer sa production.

La châtaigne, aliment indispensable du passé, est devenu au 21è siècle un fruit d’avenir appelés à diversifier davantage la nourriture des générations futures.

Découvrez toute l’Histoire du châtaignier à travers deux ouvrages:

Les châtaigniers du Limousin de Roger POUGET

La Châtaigne en Périgord, fruit des Temps et des Hommes

Périgord et Limousin, Pays de la châtaigne depuis la nuit des temps

De l’aube de l’humanité à la deuxième partie de la guerre mondiale, démonstration est faite : la châtaigne et le châtaignier ont occupé une place centrale dans les paysages, l’économie du territoire et dans l’alimentation. C’est au moyen âge que la châtaigneraie connaît son essor pour atteindre son apogée au 18e siècle.
Sur toute la longue période entre le moyen âge et l’époque moderne, entre le 10e et le 17e siècle,  la toponymie témoignent que la châtaigne est au cœur de l’économie paysanne comme une source indispensable et habituelle de nourriture pour les populations des campagnes qui devient la denrée la plus abordable des populations pauvres ayant fui leur province en période de disette. A la fin du 16èe siècle, les châtaigniers sont bien « le grand profit au peuple, tant pour sa nourriture que pour engraisser son bétail ». Le châtaignier peut déjà être considéré comme l’arbre à pain.

Au 18è siècle, le châtaignier tient une place centrale et indispensable

Au 18e siècle, la châtaigneraie est présente dans la plus grande partie de la région. Tous les voyageurs qui traversent la province, note l’importance des surfaces consacrées à cet arbre, remarquant l’importance croissante de l’arbre au fur et à mesure que l’on avance du Périgord vers le Limousin. Toute la population rurale vivait pour beaucoup grâce à la nourriture de cet arbre providentiel qui occupait dans le Périgord près de 100000 ha cultivés dans les années 1800. On en ressence 2700ha cultivés aujourd’hui !

Au 18è siècle, la châtaigne fait partie de la base de l’alimentation et pas seulement des plus pauvres. La châtaigneraie est une châtaigneraie nourricière.

Les séchoirs à châtaignes ou sécadous, sechadors, clèdes, cleydiers

Verte ou fraiche, la châtaigne ne peut se conserver longtemps. En outre, elle devient rapidement la proie des vers et des moisissures. Pour allonger leur durée de consommation, les châtaignes étaient séchées à la chaleur et à la fumée (autrement dit par boucanage) dans des séchoirs prévus à cet effet, encore appelé sécadous, sechadors, clèdes, cleydiers. Presque toutes les fermes possédant plus de un à deux hectares de châtaigniers en possède un. Parfois, ces séchoirs étaient accolés au four à pain et constituaient ainsi un seul bâtiment à côté des habitations.

Séchées, les châtaignes étaient ensuite décortiquées, vendues ou conservées pour être consommées sur place.

 

Une famille fait cuire le matin des châtaignes dans un chaudron et chacun en mange toute la journée autant qu’il veut.

Archives 1776

Le gout qu’il a pour ce fruit et l’avantage qu’il en retire a fait imaginer au peuple de le faire sécher afin de ne rien perdre de la récolte. Dans un petit bâtiment fais exprès, on étant les châtaignes sur des étages grossièrement faits, posés sur des chevrons à six pied de hauteur du sol et l’on allume du feu dessous. Elles contractent un gout de fumée qui n’est pas désagréable et se conservent entières par ce moyen.

Archives 1776

Le pain du peuple

La dernière des récoltes qui se perçoivent en Périgord est celle des châtaignes. C’est la manne de la province, c’est l’unique et la plus délicieuse nourriture du peuple pendant l’hiver. C’est son pain non pas parce qu’elle se mêle avec la pâte, comme nombre de gens le croient, et qui est absolument impossible, mais parce que dans la saison des châtaignes il ne mange pas de pain.

Archives 1776

l’arbre à tout faire ou rien ne se perd

Au 18è siècle, si la châtaigne est la production principale tirée du châtaignier, il convient de rappeler que pour les plus miséreux « l’arbre à pain » tient lieu d’arbre à tout faire, ce qui lui vaut le surnom d’arbre du pauvre. Le châtaignier fourni aussi lors de l’émondage des arbres à fruits ou de la coupe des taillis, des branchages pour les fagots, des lattes pour la vannerie et les treillages, des échalas (piquet auquel on attache des cèpes de vigne), des piquets, des carassons (pieu servant de tuteur à la vigne), des feuillards (fines branches de châtaignier fendues en deux et utilisées pour fabriquer des cercles de barrique), des merrains (planches destinées à la fabrication de barriques et cuves à vin), ou de codres (bois d’œuvre qui pousse dans les taillis), éventuellement du bois de chauffage ou de charpente (le seul à ne pas attirer les araignées), du charbon… Le bois de châtaignier, s’il est un mauvais combustible, possède bien des vertus : résistance à l’humidité, imputrescibilité… Même les bogues des châtaignes servent à allumer le feu, boucher les creux des chemins ou fumer les champs. Le châtaignier est couramment employé dans la fabrication d’outils divers : meubles, paniers tressés pour le ramassage des châtaignes ou autres, nasses pour leur conservation dans l’eau, pinces pour leur ramassage… Ce travail réclame un véritable savoir-faire paysan et entre dans le cadre d’une importante sociabilité rurale.

Mais c’est aussi au cours du 18ème siècle, que certains discours de décideurs encouragent à abandonner cette culture. Un discours négatif associant arbre à pain et retard économique de la région est rependu. « Tant qu’un périgordin vivra avec les cochons et trouvera sa nourriture au pied d’un châtaignier, il n’étendra pas ses vues au-delà de la paroisse » … « Le peuple du Périgord est pauvre et paresseux. Cela vient du fait des terres, qui ne produisent presque que des châtaignes et des chênes, rendent peu et exigent peu de bras. Il y a beaucoup d’enfants et de jeunes oisifs qui passent leur temps au jeu » … Les châtaigniers sont ainsi dénoncés comme les principales raisons du retard économique de la province !

Ainsi on assiste au remplacement des arbres par d’autres culture, vigne en priorité. « Les landes se défrichent chaque jour pour y planter de la vigne. On substitue même cette culture à celle des châtaigniers … »

Mais si certains arrachent leurs châtaigniers pour des profits rapide (la surexploitation du bois par les forges locales, grosses consommatrices de charbon de bois entraine des déboisement massifs), d’autres développent la châtaigneraie. Le déboisement commençant à interpeller les responsables politiques, ils mirent en place des pépinières royales au début du siècle dans le but de développer l’arboriculture. D’abord créées pour fournir les espèces destinées à border les chemins et route, elles s’ouvrent largement aux demandes des particulier après 1750. Financées par l’impôt, les espèces fournies sont gratuites ou à très bas prix, prioritairement peupliers, ormeaux, noyers, châtaigniers, muriers. Ces pépinières profitent essentiellement aux catégories privilégiées.

L’importance économique de la châtaigneraie explique qu’elle ait été contrôlée par les grands domaine seuls capables de faire les frais d’exploitation des plantations. Culture spéculative, elle trouve aussi grâce auprès de petits propriétaires, notamment ceux urbains qui ne résident pas des terres qui constituent un placement, la vente des châtaignes représentant l’objectif pour la plupart des intéressés.

Début 19è, la châtaigne passe du rang de culture vivrière au rang de production commerciale et voit l’apogée du châtaignier en Périgord Limousin

La châtaigneraie, un verger bel et bien cultivé

Les paysans ne se livraient pas à une simple cueillette sur des arbres laissés à l’abandon mais au contraire leur apportaient tous les soins qu’ils nécessitaient.

Après avoir repéré, sur une longue période, les châtaigniers qui produisaient les meilleurs châtaignes, les plus sucrées, le plus agréable à manger, l’homme les a regroupés et plantés dans des châtaigneraies cultivées, construisant ainsi petit à petits une vraie culture du châtaignier.

Etabli pour l’essentiel en 1822 et 1843, le premier cadastre comptabilise séparément la châtaigneraie, considérée comme un verger, et la forêt classique qui peut compter des taillis composés de ce seul arbre.

On peut considérer 3 types de culture :

• Les châtaigniers greffés

Rangés en ligne, le plus souvent en quiconque afin d’entretenir le sol propre pour l’alimentation de l’arbre et la récolte.

• Les châtaigniers en taillis

Les arbres, plantés serrés, sont coupés à ras afin qu’il s’en élève plusieurs tiges, récoltées pour le travail du bois. Ces tiges sont de bonne qualité si elles n’ont pas de ramification, et donc pas de nœud qui interrompraient le fil du bois

• Les châtaigniers sauvages

Châtaigniers non greffés constituant un espace forestier

Les chataigniers à fruits étaient situés le plus près possible des habitations, à proximité de parcelles réservées aux céréales, ce qui montre que les paysans les considéraient comme de véritables plantes cultivées, à la différence des taillis plus éloignés et ne faisant l’objet d’aucune culture.

Une enquête nationale demandée en 1810-1811 auprès des 45 départements producteurs de châtaignes, nous apprend que la Dordogne, la Corrèze et la Haute-Vienne sont les 3 premiers départements producteurs de châtaignes en France en 1815.

Dans la première partie du 19è siècle, la situation sanitaire s’améliorant et les famines répétées du 18è siècle s’atténuant, la châtaigne devient moins vitale et commence à s’exporter davantage.

L’arrivée du chemin de fer à partir des années 1850 accentue encore le dynamisme de ce commerce qui se trouve en outre facilité par l’amélioration sans précédent du réseau routier entre les années 1830 et 1880. Grace au désenclavement des campagnes, des zones de production éloignées des gares et des rivières, jusqu’alors exclues du grand commerce, peuvent désormais intégrer un circuit commercial de grande ampleur. Longtemps marginale, la part des châtaignes destinées à la vente tend donc à augmenter au 19è siècle, encourageant ainsi une augmentation de la production.

Tandis que la châtaigne offrait jusqu’alors aux plus pauvres un moyen de survivre aux longs hivers ou procurait un revenu d’appoint à d’autres, elle fait peu à peu l’objet d’une activité marchande à part entière. Mais si les châtaignes viennent de plus en plus rarement sauver les paysans de la disette, il n’en demeure pas moins qu’elles contribuent, dans la première partie du 19è siècle, à assurer la soudure entre deux récoltes. « A dater du mois d’octobre, on ne voit plus paraitre de pain chez les périgordins jusqu’au printemps » archive 1822.

Le 19è siècle voit l’apogée du châtaignier en Périgord Limousin.

Une enquête nationale demandée en 1810-1811 auprès des 45 départements producteurs de châtaignes, nous apprend que la Dordogne, la Corrèze et la Haute-Vienne sont les 3 premiers départements producteurs de châtaignes en France en 1815.

Dans la première partie du 19è siècle, la situation sanitaire s’améliorant et les famines répétées du 18è siècle s’atténuant, la châtaigne devient moins vitale et commence à s’exporter davantage.

L’arrivée du chemin de fer à partir des années 1850 accentue encore le dynamisme de ce commerce qui se trouve en outre facilité par l’amélioration sans précédent du réseau routier entre les années 1830 et 1880. Grace au désenclavement des campagnes, des zones de production éloignées des gares et des rivières, jusqu’alors exclues du grand commerce, peuvent désormais intégrer un circuit commercial de grande ampleur. Longtemps marginale, la part des châtaignes destinées à la vente tend donc à augmenter au 19è siècle, encourageant ainsi une augmentation de la production.

Tandis que la châtaigne offrait jusqu’alors aux plus pauvres un moyen de survivre aux longs hivers ou procurait un revenu d’appoint à d’autres, elle fait peu à peu l’objet d’une activité marchande à part entière. Mais si les châtaignes viennent de plus en plus rarement sauver les paysans de la disette, il n’en demeure pas moins qu’elles contribuent, dans la première partie du 19è siècle, à assurer la soudure entre deux récoltes. « A dater du mois d’octobre, on ne voit plus paraitre de pain chez les périgordins jusqu’au printemps » archive 1822.

De l’Age d’or au déclin

Dans la seconde partie du 19è siècle, on assiste comme dans la plupart des régions françaises, à un déclin progressif et continu des surfaces en châtaigneraies qui se poursuit au début du 20è siècle.

Le département de la Dordogne passe d’une production de 120 000 tonnes en 1815 à 16 395 tonnes en 1929, soit une diminution d’environ 86%. On ne ressence plus que 10 000 ha de châtaignier en Corrèze en 1923 pour 16 000 tonnes de production.
Les causes de ce déclin sont multiples :

• L’exode rural du au développement de l’industrie, au désenclavement des campagnes et à la crise agricole. Les besoins en nourriture diminuent, rendant la consommation des châtaignes moins vitale dans les pratiques alimentaires. Porc et brebis sont souvent lâchés en pâture dans les châtaigneraies de moins en moins récoltées.

• Dans le même temps, des cultures en pleine expansion, telles que la pomme de terre, le maïs, le tabac, empiètent sur les terres des châtaigneraies que l’on n’hésite pas à arracher. L’avenir des châtaigneraies devenant de plus en plus incertains, seules les plus grandes propriétés peuvent se permettre de les conserver. Et parmi celle qui ne sont pas arrachées, beaucoup sont négligées ou même abandonnées.

• La situation, déjà fort morose, s’aggrave encore lorsque les châtaigniers sont touchés par la maladie de l’encre, arrivée en France dans les années 1880. Cette maladie est due à un champignon du sol, Phytoptora cambivora. Les arbres atteint se dessèchent en quelques années, avant de mourir. L’étude statistique agricole annuelle laisse penser que cette maladie a sévi dans le courant des années 1920. Ce fléau encouragea des producteurs à employer les arbres à d’autres fin que l’agriculture, profitant des progrès de la chimie et de l’industrie. Aujourd’hui cette maladie est contrée par les propriétés génétiques des variétés porte greffes créés dans les années 80.

• Enfin, l’essor des usines d’extraits tannants dont les châtaigniers regorgent vient sonner le glas des anciennes châtaigneraies. On découvre dans le courant du 18è siècle la richesse du bois de châtaigniers en tanin et plus particulièrement des arbres âgés. Ce bois s’avère beaucoup plus efficace pour le tannage des peaux que le chêne ou l’écorce des chataigniers. Les premières usines d’extrait de tanins voit le jour dans la région, en Corrèze en 1885, en Dordogne en 1900. En 1907, un établissement s’installe sur le site du Lardin (Condat le Lardin) ou les châtaigneraies abondent et ou la Vézère double la ligne de chemin de fer Périgueux Brive. Cette industrie offre aux propriétaires de châtaigneraies un débouché inespéré. Des milliers d’hectare sont alors dévorés par ces nouvelles usines. A la veille de la Grande Guère, l’usine du Lardin, traite chaque année 10 000 tonnes de bois. Mais, au lendemain de la guerre, ce tanin est de plus en plus concurrencé par les procédés minéraux ou de synthèse et la production diminue peu à peu. Progressivement beaucoup d’usine se reconvertissent ou ferme au lendemain de la seconde guerre mondiale.

Dans les années 1920, dévastée pour les besoins des usines d’extraits de tannants et ravagée par la maladie de l’encre, la châtaigneraie réduite à peau de chagrin, ne parvient plus à se régénérer.

Quelques tentatives pour enrayer le déclin de la châtaigneraie au 20è siècle

Le recours au châtaignier Japonais

En 1902, le ministre de l’agriculture chargea le Professeur A. Prunet, de la faculté des sciences de Toulouse, d’une mission en vue de reconstituer les châtaigneraies détruites par la maladie de l’encre.

Se basant sur l’exemple de la vigne sauvée du phylloxéra par le greffage, le Professeur eu l’idée d’aller rechercher la résistance à la maladie de l’encre dans les espèces du châtaignier exotique. Pour cela il sema des châtaignes importées d’Amérique et du Japon et observa que certains des jeunes plants de chataigniers issus de l’espèce japonaise ne dépérissaient pas dans les sols contaminés. Ce fut le point de départ des recherches et des expérimentations nombreuses. La sélection s’orienta à la fois vers des types de chataigniers à gros fruits destiné à remplacer les variétés locales mais aussi des types sauvages à petit fruits permettant le greffage des variétés locales non résistantes.

Mais, les résultats ne furent pas à la hauteur des espoirs mis au départ dans ces recherches. Si la résistance des chataigniers japonais s’est bien révélée suffisante dans la plupart des cas, leur adaptation aux sols, au climat, leur productivité et leur qualité gustative n’a pas toujours été parfaites. De plus, les nombreux essais de greffage aboutirent à des échecs car l’affinité entre les variétés japonaises et les variétés européennes étaient très mauvaise.

Après 30 ans de travaux, il fallut admettre que ces espèces exotiques n’étaient pas adaptées aux conditions de milieu de notre région.

Il faudra attendre la deuxième partie de 20è siècle pour que les travaux de sélection soient repris et permettent cette fois un succès dans la gestion de la maladie de l’encre.

Les incitations au reboisement

Après cette période de déboisement forcenés, le moment semblait venu pour certain de songer enfin à reboiser. En 1921, l’Association Corrézienne pour la Défense du Châtaignier fut fondée ainsi que la Société de Reboisement en chataigniers, alimentée par des fonds provenant de l’industrie des extraits tannique.

Les pouvoirs publics, poussés par ces initiatives privées et conscients qu’il fallait entreprendre des recherches sérieuses, se décidèrent à leur tour d’agir. En 1921, le ministère de l’agriculture créa à Brive, la station de Pathologie végétale dont le rôle fut d’étudier la maladie de l’encre et de rechercher des méthodes efficaces de lutte, en même temps que de préparer la rénovation de la châtaigneraie. La station fut la seule en France à étudier la maladie de l’encre pendant plusieurs années. Elle cessa progressivement son activité, reprise sous une autre forme par la Société de Reboisement en châtaignier de Brive.

Pour aborder l’étude des problèmes d’ordre scientifique, technique et économique posés par la culture du châtaignier et par la commercialisation de ses produits, le premier Congrès national de la Chataigne, présidé par M. Queuille, ministre de l’Agriculture, fut organisé à Brive en 1924. Au cours de se congrès, le reboisement fut abordé. Une opinion, novatrice pour l’époque recueillit l’adhésion de tous les participants :

Ce serait une erreur économique de reconstituer la châtaigneraie d’autrefois. Il est évident que partout où, à la place de la châtaigneraie, on a pu faire de la prairie, la production actuelle de bétail est plus rémunératrice que la production ancienne de châtaigne... Par contre sur les coteaux où l’on peut difficilement trouver un revenu plus rémunérateur, le châtaignier peu avoir sa place. Mais il ne faut lui donner qu’une place forestière…. Je crois que là où le châtaignier à disparu, pour faire place au pré ou au champ, il ne réapparaitra plus. En bien des endroits aussi, on remplacera le châtaignier par des pins ou des sapins et cela avec avantage. Devons-nous alors proscrire ce châtaignier qui tient une si grande place dans notre tradition ? assurément non. Mais il faut que la culture du châtaignier subisse une évolution : le fruit du châtaignier est appelé à prendre, en raison de sa rareté toujours plus grande, de la valeur commerciale, mais à une condition, c’est qu’il soit beau, bon et de bonne conservation… il faudra donc que le châtaignier devienne un arbre fruitier.

Fleckinger

Congrès national de la Chataigne, Brive, 1924

Ainsi, la reconstitution d’une partie des châtaigneraies fut entreprise sur ces bases à partir de 1925. Par contre les parcelles touchées par la maladie de l’encre furent exclues de se programme, le matériel génétique japonais n’étant toujours pas au point.

Les surfaces reboisées furent assez faibles et même si elles ont permis de compenser une petite partie des arrachages, elles n’ont pas modifié sensiblement la baisse irrémédiable des superficies occupées par les châtaigneraies.

Les recherches reprennent après-guerre

Durant la deuxième guerre mondiale, les châtaignes connaissent un regain d’estime de la part des hommes contraints au rationnement. Cette guerre aura rappelé aux hommes l’importance et l’utilité du châtaignier en période difficile.

Après la guerre, des aides sont distribuées aux propriétaires qui désiraient replanter des chataigniers, ainsi que des prêts à faible taux d’intérêt. En dépit de ses mesures, la replantation des châtaigneraies est demeurée fort modeste et n‘a pas atteint une très grande ampleur.

Devant le regain d’intérêt, l’Institut National de la recherche Agronomique (INRA), qui venait d’être créé, jugea opportun d’entreprendre des recherches en vue de résoudre les problèmes que posait la maladie de l’encre. C’est ainsi que fut créer la station d’amélioration du Châtaignier à Brive, rattachée au Centre de recherche agronomiques du Massif central de Clermont-Ferrand.

Les travaux se sont poursuivis ensuite à Malemort e, Corrèze à partir de 1959. Ils ont porté sur la création de nouvelles variâtes provenant d’hybridation entre les chataigniers européennes et japonais. Ce programme a abouti à partir des années 70 en la création de variétés nouvelles, soit destinées à servir de porte-greffes, soit aptes à produire sans greffage des marrons ou châtaigne de bonne qualité. Ce nouveau matériel offre alors des possibilités sérieuses de replantation.

A partir de 1971, l’Inra prend la décision de transférer la station au centre de recherche de Bordeaux où se poursuivent les recherches.

En 1978, des journées nationales du châtaignier sont organisées à Brive. Le but était d’encourager la plantation de châtaignier de manière à réduire les fortes importations (8000 tonnes) rendues nécessaire par l’insuffisance de la production. En dépit des bonnes résolutions prises lors de ce congrès, les résultats seront loin de ceux qui étaient escomptés.

Depuis les années 90, la culture de la châtaigne ou la castanéiculture connais une relance sur les territoires du Périgord Limousin, avec un dynamisme prometteur.

Aujourd’hui, la production a cessé de décliner en Périgord Limousin. Elle semble stable depuis une dizaine d’année, avoisinant 3000 tonnes de production annuelle. Loin d’être rejeté par dans l’oubli, la châtaigne fait l’objet d’une demande croissante de la part des consommateurs attirés par ses qualité gustatives et nutritionnelles. Certes elle n’est plus que rarement consommée comme autrefois, sans aucune transformation, mais elle fait maintenant l’objet de multiples préparations qui mettent en valeur ses innombrables aptitude. La châtaigne n’est plus seulement un aliment indispensable d’un passé révolu, mais elle figure maintenant, à un niveau certes modeste, parmi les fruits d’avenir appelés à diversifier davantage la nourriture des générations futures.

Le goûter des enfants

J’ai encore bien présent dans ma mémoire, les départs à l’école dans les matins froids de la région limousine, dans les années 50, avec dans ma poche les « boursées » toutes chaudes, cuites dans l’eau salée par ma grand-mère. Ces petites châtaignes si sucrées qui constituaient l’encas de mes récréations jusqu’au mois d’avril.

Christian Chevillot

Historien